dimanche 15 juillet 2018

Analyse des deux jugements du tribunal administratif concernant l'acquisition d'une parcelle dans la zone de l'ancien magasin Aldi


Le 25 avril 2018 le Tribunal Administratif de Strasbourg a rendu deux jugements importants concernant les conditions d’acquisition du foncier dans le cadre de la réhabilitation de la friche commerciale de l’ancien magasin Aldi. Ces jugements concernent une des parcelles, celle appartenant aux graines Fabre.

L’acquisition de cette parcelle s’est effectuée pour un prix de 550 000 € alors que l’estimation des services de l’Etat était de 43 000 €, soit 12,8 fois moindre.



Le Tribunal a annulé les deux délibérations d’acquisition de la parcelle « graines Fabre » par le conseil municipal notamment par « la nature de l’illégalité tenant à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation quant au prix d’acquisition »



1er jugement concernant la délibération du 22 mars 2016.



Avant toute acquisition ou vente par une commune d’un bien immobilier, le législateur a imposé une procédure de transparence destinée à éviter tout risque de dérive. Une municipalité est dans l’obligation de demander une estimation du bien par les services de l’Etat, et de délibérer « au vu » de cette estimation.



Il s’avère que pour cette délibération du 22 mars 2016, la réglementation n’a pas été respectée, les élus n’ayant pas délibéré « au vu » de l’estimation des services de l’Etat. Celle-ci avait été remplacée par une expertise privée commandée et financée par la propriétaire de la parcelle.



Une des conséquences induites par ce contournement de la réglementation, est que le public n’a pas pu être informé de l’estimation obligatoire de cette parcelle par les services de l’Etat, qui s’effectue au moyen du compte-rendu publié sur le site de la mairie.



Le Tribunal a annulé cette délibération.





2ème jugement concernant la délibération du 5 juillet 2016.



Suite à un recours déposé contre la délibération du 22 mars 2016 (voir précédemment), la municipalité a choisi de délibérer à nouveau, visiblement pour se mettre en règle vis-à-vis de la législation.

Cette fois, M. le Maire a donné l’estimation des services de l’Etat (dit avis des Domaines) qui était de 43 000 €. Le conseil municipal a de nouveau voté pour acquérir cette parcelle pour 550 000 €, conformément à l’expertise privée. La différence entre l'estimation des services de l’Etat (43 000 €) et le prix de l’acquisition par la commune (550 000 €) est démesurée ; le taux multiplicateur appliqué par nos élus au bénéfice de la propriétaire étant de x 12,8.

Il est à noter que sans le dépôt de ces recours, nul n’aurait jamais connu la valeur de cette parcelle.

 Le Tribunal Administratif a annulé cette délibération au motif d’« une erreur manifeste d’appréciation ».  De plus (attendu n°9 page 5) le Tribunal juge que « eu égard à la nature de l’illégalité tenant à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation quant au prix d’acquisition » … « … il y a lieu d’enjoindre à la commune de Scy-Chazelles de saisir le juge judiciaire du contrat afin qu’il tire les conséquences de l’annulation des délibérations du 22 mars 2016 et du 5 juillet 2016 autorisant la signature du compromis de vente entre la commune et la société Etablissements Fabre».



On ne peut que s’interroger sur les motivations qui ont conduit M. le Maire (et son Conseil Municipal) à enfreindre, en toute connaissance de cause, la réglementation qui l’obligeait à délibérer « au vu » de l’estimation des services de l’Etat, le 22 mars 2016.



Un des effets de la transparence démocratique voulue par le législateur, est que la valeur du bien est publiée sur le site internet de la commune au moyen du compte-rendu du conseil municipal.



A l’issue du conseil municipal du 22 mars 2016, nul ne connaissait la valeur de cette parcelle.

Ce n’est que suite aux démarches effectuées par notre association que le public a pu en être informé, ainsi que de l’exceptionnel taux multiplicateur de x 12,8 appliqué par le conseil municipal.



Une autre interrogation réside dans le fait que le conseil municipal a délibéré exclusivement sur la base d’une expertise privée, mandatée et rémunérée par la propriétaire.



De plus, le prix au m2 estimé par cette expertise privée (217 €/m2) est près de deux fois supérieur au prix du marché estimé par les services de l’Etat, 120 €/m2 pour des parcelles constructibles.

L’attendu n°4 (pages 4 et 5) indique : « des parcelles constructibles contigüe à celle en litige, s’inscrivant dans le cadre du même projet d’aménagement et non grevées de servitudes, ont été estimées par le service des domaines à un montant n’excédant pas 120 €/m2 ».

La parcelle non constructible (car grevée de servitudes) dite « graines Fabre », acquise lors de ces conseils municipaux litigieux, étant quant à elle estimée à 17€/m2.



Quel intérêt nos élus ont-ils à appliquer un coefficient multiplicateur démesuré en faveur d’une société privée (x 12,8) ? A ne pas communiquer au public la valeur réelle de cette parcelle ? A délibérer exclusivement selon une expertise privée mandatée et rémunérée par le vendeur ?



Pour terminer cette analyse :



Il convient pour terminer l’examen de ces deux jugements, de mettre en parallèle ces deux délibérations illégales annulées par le Tribunal Administratif le 25 avril dernier, avec l’annulation d’une autre délibération illégale annulée par le tribunal Administratif le 1er juillet 2015.

Ce précédent avait déjà créé une émotion légitime dans la commune, d’autant qu’il avait été précédé par l’interdiction par la municipalité, d’une manifestation d’opposants à sa politique scolaire quelques semaines plus tôt, en avril 2015.

Le droit de manifestation étant pourtant un Droit Constitutionnel, rattaché à la liberté d’expression, auquel on ne peut déroger que de manière exceptionnelle, et ce pour des motifs gravissimes.



Une conclusion en forme de réponse au bulletin municipal de novembre 2017 :



On ne peut conclure cette analyse sans faire référence au bulletin municipal de novembre 2017 (n°66) où M. le Maire, dans plusieurs articles, a fustigé, avec force, nos actions citoyennes, dont deux d’entre-elles avaient pour but d’apporter un éclairage sur les conditions d’acquisition du foncier dans la zone « Aldi ».

Nous avons vu avec ces deux jugements datés du 25 avril, que ces démarches étaient non seulement légales, mais de surcroit parfaitement justifiées (et même nécessaires), le Tribunal ayant jugé les délibérations de la commune illégales, et les ayant en conséquence annulées.



Nous rappelons que tout citoyen est en droit de saisir la justice lorsqu’il estime qu’un conseil municipal a outrepassé ses prérogatives, ou pris des décisions illégales.

Concernant les rapports entre pouvoir politique, justice et citoyens, notre époque est l’héritière des avancées démocratiques théorisées par les philosophes des Lumières, et mises en chantier depuis la Révolution. Seules quelques périodes d’exception, dont certaines restent douloureusement dans la mémoire collective, ont vu dénier ces acquis aux citoyens.

Aussi, il est difficilement compréhensible qu’un bulletin municipal (celui de novembre 2017), puisse stigmatiser, avec autant de vigueur, des initiatives de citoyens attachés à la légalité républicaine, et agissant en conformité avec l’esprit et la lettre des lois de la République.



Il est aussi regrettable que l’excès de ces propos municipaux ait été accompagné d’attaques personnelles visant à discréditer ces habitants engagés dans la vie de la commune, et veillant aux exigences de la transparence démocratique, en les qualifiant publiquement, de « malveillants ». Reprenant en cela à son compte, des pratiques historiques totalement improbables dans une démocratie apaisée comme la nôtre.



A Scy-Chazelles, comme dans le reste de la République, il ne saurait être question de « malveillants », de « malfaisants », de « nuisibles » ni même de « dissidents ».

La Constitution garantit à tous, la liberté de pensée et d’expression.

De même que le droit de saisir les autorités compétentes.



Le jugement est en ligne sur notre blog :



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